LE GRAIN DE RIZ

, par Nadège COYNEL

LE GRAIN DE RIZ
Il était une fois un jeune homme qui était très pauvre. C’était le 31 décembre, le dernier jour de l’année, et d’habitude, ce jour-là, on fait un bon repas.
Il s’est dit :
« Qu’est-ce que je vais bien pouvoir manger ? Qu’est-ce que j’ai dans ma cuisine ? »
Il va dans sa cuisine ; il ne lui restait plus rien :
pas de pommes de terre,
pas de spaghettis,
pas de couscous, pas de haricots, pas de lentilles, pas de pain, pas de sucre, pas de chocolat, pas de lait,
Rien, Rien, Rien.
Il avait une vieille, vieille table en bois, il tire le tiroir de la table et là, qu’est-ce qu’il trouve, coincé dans une fente de tiroir ? Un grain de riz.
Il se dit : « Je vais manger ce grain de riz. Ça vaut mieux de manger un grain de riz que de ne rien manger du tout. Je vais le faire cuire, ça me fera passer le temps et puis, quand il sera cuit, je le sucerai lentement, lentement. »
Mais pour faire cuire son grain de riz, il lui fallait une casserole. Il était tellement pauvre qu’il n’avait plus de casserole : il avait déjà vendu toute sa vaisselle.
Il va trouver son voisin : « Tu peux me prêter une casserole ? J’ai du riz à faire cuire pour ce soir.
- D’accord, dit son voisin, je te passe une casserole. Laquelle veux-tu la petite ou la grande ?
- Moi, on m’a dit, pour faire cuire le riz, pour qu’il ne colle pas, pour qu’il n’attache pas, il faut le faire cuire dans beaucoup d’eau. Donne-moi donc la grande casserole.
- Le voisin se dit : « Il doit avoir beaucoup de riz, moi, j’ai la flemme de me faire à manger ce soir, je viendrais bien manger avec lui... »
- D’accord, je te prête la casserole, mais ce soir, je viens manger avec toi.
- D’accord, quand y en a pour un, y en a pour deux. »

Pour faire cuire le riz, il fallait mettre de l’eau dans la casserole. Il n’en avait pas, Parce qu’à cette époque-là, il n’y avait pas l’eau courante dans les maisons. Il fallait aller chercher l’eau à la fontaine, c’était à huit cents mètres, c’était l’hiver, il faisait froid. Pour tirer l’eau, il y avait une pompe à main, il avait du rhumatisme, il avait la flemme d’y aller.
« La voisine, elle va bien me passer un peu d’eau. »
Il va chez la voisine : « J’ai du riz à faire cuire pour ce soir pour le voisin et moi mais je n’ai pas d’eau. Tu peux m’en passer un peu ? »
La voisine lui répond : « D’accord, mais je me suis donné du mal pour aller à la fontaine, je te passe de l’eau mais je viendrai manger le riz avec vous.
- D’accord, quand il y en a pour deux, il y en a pour trois. »

Pour faire cuire le riz, il fallait du feu, avec du bois, du papier et des allumettes. Il n’en avait pas. Il va chez Pierre, chez Jacques et chez Michel. Pierre lui a passé du bois, Jacques des allumettes et Michel du papier.
Chaque fois qu’il emportait quelque chose, ils ont dit :
- D’accord, mais on vient avec vous.
- D’accord, quand y en a pour trois, y en a pour quatre.
- D’accord, quand y en a pour quatre, y en a pour cinq.
- D’accord, quand y en a pour cinq, y en a pour six.

Du coup, il avait tout ce qu’il fallait : le feu, l’eau, la casserole, mais un seul grain de riz. « Comment je vais faire ce soir pour partager le grain de riz en six ? Ou alors on le suce chacun notre tour.... »
Il réfléchit, réfléchit ! Tout à coup, il y a une idée. Dans le village, il y avait un fermier qui élevait des poules. Il va le trouver, il lui dit :

« Ce soir, on est six à manger du riz. Y a le voisin, la voisine, Pierre, Jacques, Michel et moi. Toi, tu es tout seul, tu dois t’ennuyer. Si tu as envie de venir manger avec nous, tu seras le bienvenu. Mais on est de pauvres gens, on mange le riz sec, sans viande, sans assaisonnement. Toi tu mangerais le riz avec une poule, par exemple, mais si tu veux manger notre riz, tu seras le bienvenu. »
Notre fermier dit : « Je viens manger votre riz mais je ne vais pas venir les mains vides, c’est normal que j’apporte quelque chose. Tiens, prends cette petite poule grasse qui est là. »
Le garçon a pris la poule, il était content. Il vaut mieux manger une poule à sept que manger un seul grain de riz à six. Mais quand même, une poule à sept, ça ne fait pas un gros morceau pour chacun. « Je suis bête de lui avoir parlé de ses poules, j’aurais dû lui parler de ses dindes ou de ses oies. »

Dans le village, il y avait une vieille qui élevait des dindes. Il va trouver la vieille. Il dit
« Ce soir, on est sept à manger une poule au riz : le voisin, la voisine, Pierre, Jacques, Michel, le fermier et moi. Toi, tu es seule, tu dois t’ennuyer. Si tu as envie de venir manger avec nous, tu seras la bienvenue. On aura une poule pour huit, ça ne fait pas un gros morceau chacun, c’est pas aussi gros qu’une dinde mais on se débrouillera avec la poule pour huit. »
La vieille dit : « Moi, je ne vais pas venir les mains vides, les dindes, je les vends, je suis toute seule, je n’ai pas l’occasion d’en manger. Pour une fois que je peux en manger en compagnie... Tiens, prends la petite dinde qui est là... »

Quand il a vu que ça marchait bien comme ça, il est allé chez le jardinier pour avoir des légumes, chez le pâtissier pour avoir des gâteaux, chez l’épicier pour l’assaisonnement.
Ce qui fait que le soir, ils étaient au moins quinze à table et il y avait un magnifique repas : la dinde, un ragoût, la poule, des gâteaux....
Ils se régalaient.
Au milieu du repas, il y en a un qui dit :
« Ce matin tu nous as dit que tu nous invitais à manger du riz, où est ton riz ?
 Ah ! Le riz.... j’ai oublié de le mettre dans la casserole. De toutes façons, vous n’avez pas raté grand-chose. »
Il a pris le grain de riz, il leur a montré, il leur a raconté l’histoire et eux, ils ont bien ri !
Alain GAUSSEL

LE GRAIN DE RIZ