LA PRISE de la BASTILLE

LA PRISE de la BASTILLE 

Un cri éclate « A la bastille ! » Qui l’a poussé ? Un fourrier des gardes-françaises nommé Labarthe, a-t-on dit, et plusieurs de ses camarades. Cinq ou six cents hommes répètent après eux : « A la Bastille ! » Puis, traînant leurs canons, dressant leurs mousquets et leurs piques, par la rue Saint-Antoine ils se portent sur la citadelle pour y trouver d’autres armes. Du Palais-Royal, une autre colonne accourt.La Bastille, on en fait après l’événement le symbole du despotisme, l’abominable donjon où agonisaient des malheureux, coupables seulement d’avoir déplu au tyran ou à ses maîtresses. En vérité, l’ancien château de CharlesV, avec ses huit tours grises couronnées de canons rouillés, n’est plus qu’une prison de luxe où le roi fait enfermer pour quelques semaines, bien nourris, bien logés, recevant des visites et parfois même pourvus de permissions de sortie, des fils de famille extravagants ou des libellistes sans mesure. Elle est commandée par un galant homme, Jourdan de Launay, qui dispose seulement de trente-deux Suisses et de quatre-vingt-deux invalides. Il n’a que pour deux jours de vivres et d’eau.

Le Comité permanent de l’Hôtel de ville, craignant de voir la populace s’emparer de la forteresse, afin de lui ôter tout prétexte, envoie un officier et deux sous-officiers demander à Launay de retirer ses canons des embrasures. Le gouverneur les retient à déjeuner et fait reculer les pièces. Ne voyant pas revenir ses émissaires, le Comité en envoie un autre, un avocat de Reims, l’électeur Thuriot, chargé de la même requête. Thuriot, dogue brutal, outrepasse sa mission et harangue de haut la garnison, la somme même de se rendre, au nom « de la nation et de la patrie ». Launay promet de ne pas faire feu sur la foule qui bat les rues, si elle n’attaque pas.

Thuriot est hué par elle quand il sort. A une heure et demie, un millier d’hommes en armes entourent la forteresse et derrière eux un océan de badauds. Des coups de feu partent ça et là. On entend marteler ce refrain : « Nous voulons la Bastille ! » Un brasseur du faubourg Saint-Antoine, très populaire, le gros Santerre, propose d’y mettre feu. Il fait chercher des charrettes de paille et de l’huile. Cependant deux anciens soldats se faufilent jusqu’au toit du corps-de-garde et abattent à coups de hache le pont-levis qui donne accès à la première des deux cours, dite cour du Gouvernement. Les plus enragés s’y précipitent. Launay alors commande de tirer. Le peuple crie à la trahison, car il croit que c’est Launay qui a fait lui-même abaisser le pont-levis pour attirer les assaillants dans un piège. On relève une quinzaine de blessés qu’on transporte à l’Hôtel de ville.